Droits humains en Colombie (27 octobre 2017)

Source: En Vero Espagnol
Auteure: Francesca N.
Le 29 Octobre 2017
Traduction: Sandrine Blanvillin (Version originale en Espagnol le 10 octobre 2017)

 

Opinion : Scandale de corruption à la Cour suprême de justice de Colombie

Grâce aux agences de coopération internationale, il se produit en ce moment un changement historique en Colombie. De simples citoyens, des magistrats de la Cour suprême de justice et des fonctionnaires publics de services gouvernementaux ont été mis en examen et arrêtés, ce qui a permis la mise à jour d’un réseau de corruption dans lequel le paiement de pots de vin permettait de conclure des accords convenant aux besoins des magistrats assignés ou de leurs clients.

Ainsi, le directeur de l’Unité anti-corruption du Bureau du procureur général de la nation, Luis Gustavo Moreno Rivera, a été arrêté en juin dernier pour avoir, avec son ancien associé et avec l’autorisation présumée de l’Honorable président de la Haute cour – que l’on appelait « Papa » – sollicité, recouvré ou extorqué de l’argent à ceux qui pouvaient payer, tandis qu’il rendait des jugements expéditifs afin d’envoyer rapidement en prison ceux qui refusaient de céder.

Par conséquent, il convient de demander à l’Honorable président José Leonidas* : « Qu’est-il arrivé à cette personne qui parlait de droiture, d’éthique et de morale dans ses cours de procédure pénale à l’Institut de la Pensée Libérale ? A quel moment s’est-il éloigné du chemin de l’impartialité, des efforts pour acquérir la connaissance comme source de richesse intellectuelle et économique dont il faisait tant l’éloge ? Où est passé ce professeur exigeant dans ses cours et ses concepts ? Que sont devenues les mises en garde à ses élèves quand il soupçonnait un plagiat ?

Leonidas marchait en oscillant de la tête, il saluait d’un battement de cils et changeait toujours de ton lorsque des femmes souhaitaient participer à son cours, il était évident que cela le mettait mal à l’aise.

Les jugements que nous étudions en classe étaient parmi les meilleurs, parmi les décisions les plus importantes prises par l’intouchable Cour suprême de justice qui opérait à la fin des années 90.

Pourtant, il semble que tout le pouvoir, la renommée dont il jouissait, et les hautes fonctions qu’il a occupées durant huit ans, ont prédominé sur ses bonnes intentions de former des professionnels du droit. Il s’est engagé sur un chemin où les notes de frais qu’il présentait étaient bien plus élevées que celles de ses collègues, et que les clients intimidés n’avaient d’autre choix que de payer ou de finir en prison. Certains méritaient leur peine, d’autres ne la méritaient pas, par manque de preuves. Il ne s’agissait pas seulement de cas de politiciens mais aussi de simples citoyens.

Malheureusement, le droit est une profession comprenant une certaine subjectivité. Ce qui est un fait réel et concret pour le roi Léonidas, ne l’est pas nécessairement pour le magistrat assigné. C’est là que réside une insécurité juridique qui a conduit à une méconnaissance des grandes lignes de jurisprudence. Léonidas a statué soit en faveur de celui qui avait l’argent pour le payer, soit de celui qui avait le pouvoir politique pour nommer des personnes à différents postes au sein de l’état.

Devant une telle hécatombe juridique, quelques-uns parmi nous considérons opportun de lancer un plan de contingence pour réviser les cas traités par les magistrats mis en cause. Certains, conscients de leur erreur, ont reconnu avoir payé des sommes astronomiques et je pense qu’il doit y en avoir encore beaucoup d’autres mais nous ne le savons pas encore.

Mais que se passe-t-il avec ceux qui n’ont pas pu bénéficier du bon travail des hautes cours ? Que se passe-t-il avec ceux condamnés parce que les proches d’hommes politiques puissants l’ont voulu ainsi ? Qu’est-il arrivé à cette possibilité d’obtenir une véritable justice grâce à la Cour suprême de justice ?

Elle a disparu devant les pratiques courantes à la mode : avoir des contacts, faire et devoir des faveurs, toucher des pots de vin pour nommer un parent ou un ami à un poste important, ouvrir une enquête sur quelqu’un, classer un cas ; tout cela est très tendance, souper avec une personnalité politique de la région, accommoder la justice pour satisfaire le frère, le fils, le cousin ou l’ami du potentat de la région ; voici la nouvelle norme pour rendre la justice.

L’idée de ne plus agir comme avant s’est imposée, menant au retrait ou à la non-assignation de cas, à exiger des démissions, au non-renouvellement de contrat, au transfert à des sphères d’ordre public ou difficilement accessibles, entre autres.

Il s’agit d’une occasion pour lancer un appel aux différentes universités qui décernent des diplômes alors que les années d’études nécessaires ne sont pas démontrées, où le diplôme ne récompense pas le travail mais les liens d’amitié avec le professeur.

Je voudrais conclure en disant qu’après les crises, le temps de grands changements peut venir. Il n’en tient qu’à nous, les Colombiens, de nous donner la possibilité d’avoir à nouveau des magistrats intelligents, studieux, prêts et dignes pour occuper leurs fonctions.

C’est un travail ardu qui attend les honorables magistrats qui sortent libérés de cette transe. Je dis cela parce que j’entrevois une grande quantité de demandes de révision des jugements prononcés par le cartel de la Cour, des activités qui devront être examinées à la loupe, ou peut-être pas ; les personnes corrompues étant si certaines que leurs jugements ne seraient jamais révisés par leurs pairs.

Merci à Mussa, Ñoño, Kiko, Gnecco, parce que comme l’a dit un grand philosophe, « ils ne l’ont pas fait exprès », et ils ont ouvert la porte à l’inconnu.

 

*Le Dr Leonidas Bustos était le magistrat rapporteur chargé d’étudier le recours de la citoyenne canadienne Judith Brassard, et dont le projet de résolution a abouti à la confirmation de la sentence prononcée le 26 juin 2013.

 

A suivre :

Le journal « Semana » révèle en exclusivité les conversations qu’Alejandro Lyons et Leonardo Pinilla ont eues à Miami. Les enregistrements faits par le Bureau de lutte contre les narcotrafiquants ont mis à jour le réseau de corruption existant au sein de la Cour suprême de justice : Cliquez ici.