Droits humains aux États-Unis (13 mai 2019)

Source: En Vero Espagnol
Auteur du résumé: Daniel Avalos
Le 13 mai 2019 (Publication originale en espagnol le 26 mars 2019)
Traduction: Emmanuelle Gauthier-Lamer

 

Impact psychosocial et neuro-développemental des violations des droits de l’homme contre les jeunes migrants et leurs familles à la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

 

Note: La présentation de M. Ryan Matlow a été faite lors des audiences du Tribunal de la conscience du Mouvement populaire international le 2 décembre 2018.

 

Pour l’occasion, l’impact des violations des droits de l’homme sur les familles à la frontière entre les États-Unis et le Mexique est présenté sous l’angle scientifique de disciplines telles que la psychologie et la médecine occidentale. Il s’agit d’une approche critique et l’on reconnaît que cette perspective n’est pas la seule à partir de laquelle ce problème complexe peut être traité. Nous partons de là afin d’avoir une perspective plus large de ce qui s’est passé à cet endroit.

Les jeunes sont particulièrement vulnérables et sont également devenus la cible d’attaques de la part des autorités frontalières. Il est évident que ces violations des droits de l’homme ont produit des événements traumatisants, le traumatisme étant compris comme l’état résultant d’un événement ou d’une série d’événements ou de circonstances qu’une personne vit comme dommageable, à la fois physiquement et émotionnellement. Ces événements menacent la vie de l’individu et en conséquence ont un impact néfaste durable sur son fonctionnement et son bien-être mental, physique, social, émotionnel et spirituel. Par exemple, dans le cas de ces jeunes, les événements traumatisants spécifiques pourraient inclure la séparation familiale, la détention et l’arrestation forcée, la discrimination et le refus de soins et de services. Ce qui précède est directement lié à une pathologie bien connue de nos jours: le stress.

Il existe deux types de stress: un qui est positif et l’autre qui est toxique. Un stress positif en petites quantités peut être approprié pour le développement de l’enfant et est généralement appelé ” eustress “. Cela consiste en un détachement de la zone de confort à la recherche de réponses alternatives à un problème, sans que cela crée une menace pour l’individu. Par contre, le stress négatif est associé à des conséquences nocives et traumatisantes lorsqu’il cause du tort. Il génère un état de débordement des ressources mentales et comportementales de l’individu (par exemple, lorsqu’il y a un manque de soutien familial, de soutien économique, d’aide communautaire, d’orientation spirituelle, etc). Cette situation déséquilibrée entraîne des souffrances qui s’accumulent au fil du temps et qui ont par la suite un impact négatif. Notamment, les conséquences psychologiques d’un traumatisme aigu comprennent des troubles tels que la dépression, l’anxiété, les phobies et, plus particulièrement, le fameux syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

Il a été démontré que les enfants exposés de façon chronique à de multiples événements traumatisants développent des syndromes complexes, notamment une dérégulation chronique de l’affect et du comportement, des troubles cognitifs (attention et conscience), des difficultés interpersonnelles envahissantes et des attributions négatives d’eux-mêmes et du monde.

Les événements traumatisants ont à leur tour un impact sur le développement des enfants et des jeunes, car tout leur temps et leurs ressources doivent être consacrés aux tâches de survie. Les événements traumatisants interfèrent avec les autres tâches du développement et créent des stimuli propres à un environnement dangereux. Par conséquent, l’attention et l’énergie du développement sont détournées à long terme vers la survie immédiate, modifiant l’attention focalisée sur la vigilance constante et produisant la dérégulation du comportement vers l’impulsivité.

Les expériences négatives de l’enfance (ACEs, de l’anglais Adverse Childhood Experiences) qui peuvent être le terreau fertile du stress toxique comprennent la violence et la négligence (psychologique, physique et sexuelle). S’ajoutent à cela les foyers dysfonctionnels, où prédominent la violence familiale, la toxicomanie, les maladies mentales, etc. Ces expériences éprouvantes ont un impact négatif sur le développement de l’enfant, avec des effets neurobiologiques (malformations neurologiques, dérégulation hormonale, etc.) et psychosociaux (manque d’attachement, mauvaise socialisation, altération de l’auto-efficacité). Les deux scénarios sont en corrélation avec la prolifération des comportements à risque, comme la toxicomanie, l’obésité morbide, l’abus de substances ou la promiscuité, entre autres.

Les conséquences à long terme de ces effets indésirables comprennent: la présence d’une maladie et d’une incapacité, des troubles dépressifs, le suicide, le syndrome de stress post-traumatique (SSPT), l’abus d’alcool et de drogues, les maladies chroniques, les maladies transmises sexuellement et la transmission intergénérationnelle des abus. Dans la sphère sociale, on constate une augmentation de la précarité infantile, de la prostitution, des comportements criminels, du chômage, de problèmes liés à l’éducation des enfants et un recours accru aux services sociaux et à l’aide sociale. Finalement, il a été démontré que les victimes de ACEs vivent en moyenne 20 ans de moins que les autres.

Pour en revenir au cas des familles dont les droits ont été violés, nombre d’entre elles ont fait preuve d’une grande capacité de résilience et de persévérance. Cependant, ce n’est souvent pas suffisant.

L’impact des violations des droits de l’homme sur les jeunes et les familles en déplacement comprend la séparation familiale ou la crainte de séparation familiale (ex. par des menaces d’expulsion), ce qui entraîne une augmentation de l’anxiété, de la dépression, du stress post-traumatique, des phobies, des problèmes scolaires et comportementaux. La séparation prolongée, notamment, accroît les difficultés de réunification, affectant la cohabitation et l’adaptation à la vie familiale après un traumatisme.

La présence d’enfants et de jeunes en détention est associée à un pronostic plus défavorable de certains troubles, conduisant à un dysfonctionnement familial, l’interruption de l’attachement, la perte de stratégies contre les événements contre les événements traumatiques, le manque de confiance, l’insécurité, les conflits familiaux, l’impact sur les compétences cognitives, la régulation émotionnelle et comportementale, les difficultés économiques: insécurité alimentaire et du logement. Il y a également un impact sur la communauté, notamment une méfiance accrue, un engagement moindre (envers les écoles, les cliniques, les autorités) et une intégration sociale réduite.

On peut dire qu’il existe un lien étroit entre la détention forcée et le risque accru de SSPT, d’anxiété, de dépression, d’agression, de symptômes somatiques et d’idées suicidaires. Malheureusement, ces symptômes ne disparaissent pas après la libération. La présence des parents n’annule pas l’impact négatif, et la durée de la détention est corrélée à une altération de la santé mentale et à des résultats négatifs à long terme comme le retard du développement, la régression du développement, les mauvais résultats scolaires et le risque d’exposition à d’autres traumatismes.

Compte tenu de tout a été dit précédemment, une recommandation est faite aux autorités frontalières et aux gouvernements des pays concernés d’oeuvrer au rétablissement, à l’indemnisation et à la réparation de ces personnes et familles. Nous devons travailler au rétablissement de leur sécurité, de leur confiance, de leur transparence, du soutien par les pairs, de leur collaboration et mutualité et de leur autonomisation. Leurs voix doivent également être entendues et les questions culturelles, historiques et de genre qu’elles soulèvent doivent être abordées.

Voici les éléments clés de l’intervention en traumatologie:

  • Établir la sécurité et la confiance
  • Psychoéducation
  • Développement des compétences
  • Approximation / exposition
  • Intégration de l’expérience traumatique
  • Autonomisation

Cette réadaptation doit inclure la reconnaissance publique du préjudice, des efforts et des actions accrus pour assurer la prévention de la récurrence, l’élaboration de politiques de protection, l’indemnisation (individuelle ou collective), le développement des ressources, des infrastructures et l’accès à la santé (y compris des services complets en santé mentale).

Des programmes de prévention, de réadaptation et de traitement pour les individus et les familles devraient être mis en place pour assurer des possibilités d’éducation et de formation professionnelle, ainsi que de développement culturel et communautaire. Après la réadaptation, l’individu peut, au mieux, développer plus d’optimisme, d’empathie, de force, de gratitude et de changement ou d’approfondissement spirituel.

 

Conférencier: M. Ryan Matlow
Programme sur les droits de l’homme et les traumatismes mentaux
Département de psychiatrie et des sciences du comportement
École de médecine de l’Université de Stanford