Affaire Héctor Manuel Casique Fernández (22 janvier 2016)

ACDV_Jurid_22-01-2016_-_Affaire_Casique_Réf._ACDVMXCASOCASIQUE06092015_–_Opinion_juridique_envoyée_au_Juge_-_pic_1Source : ACDV Jurid.

Auteur : David Bertet (version originale en Espagnol)

Le 22 janvier 2016 (première publication le 9 juin 2015)

Traduction : Rodrigo Mendoza pour ACDV

Montréal, Canada

Le 9 Juin 2015

Réf. : ACDV/MX/CASO/CASIQUE/09062015

Juge Alex Ramirez Buenfil Ayala

Juge Quatrième de la Juridiction Pénale

Av. Nader SM5.MZ4.L4, troisième étage – lettre “A”     

Cancún – Quintana Roo

Mexique

Par la présente, je m’adresse à vous pour vous faire part que l’Association Canadienne pour le Droit et la Vérité, siégeant au Canada, a été informée du cas du citoyen mexicain Hector Manuel Casique Fernández, en sa qualité de prévenu à l’heure actuelle dans la cause pénale 98/2014, assignée à la Cour Pénale Quatrième de Première Instance du District Judicaire de Cancún.

La Commission Exécutive d’attention aux victimes (CEAV) a reconnu M. Casique Fernández en tant que victime de violation à ses droits fondamentaux, comme il s’avère du dossier no. RNV/CEAV/9/668/2014 de ladite Commission.

Il s’avère évident que Hector Manuel Casique Fernández se trouve détenu en vertu d’un procès délibérément vicié depuis son commencement, étant donné son arrestation survenue le 16 mars 2013 s’est effectuée au départ par le moyen d’actes illégaux, inhumains, incluant la torture, la commission desquels actes invalide par avance tout témoignage ou preuve en découlant, en conformité avec l’article 20, alinéa A, paragraphe IX de la Constitution des États-Unis du Mexique.

“Toute preuve obtenue moyennant la violation de droits fondamentaux devient nulle.” (Art. 20).

Il est établi que, même dans des situations exceptionnelles dans lesquelles serait mise en danger la paix publique ou la société, l’absolue prohibition de la torture reste en vigueur, tel que prescrit à l’article 29 de la Constitution mexicaine. Or, malgré ce qui précède, M. Casique Fernández a incontestablement subi des actes de tortures dès le moment de sa détention, destinés à lui arracher une confession auto-incriminatoire. Dû au fait que M. Casique Fernández a été victime d’actes de torture dont les séquelles continuent à se manifester à l’heure actuelle, et ainsi que l’attestent les examens médicaux effectués d’après les directives du protocole d’Istanbul qui fut réalisé les 4 et 5 novembre 2013 par des agents de la Commission Nationale des droits humains, et dont le résultat s’est avéré positif.

À la torture psychologique et physique, entièrement corroborée conformément aux termes du Protocole d’Istanbul et dont notre Organisation a obtenu copie – émis le 13 mai de 2014 et identifié par les références VG/BJ/136/03/2013 et CSPSVG 705/09/13, il s’avère que, de notre analyse du dossier de Hector Manuel Casique Fernández, nous pouvons ajouter dans le cas présent la violation à la présomption d’innocence de ladite personne, violation commise par le Procureur de Justice, le Sous-procureur et le Directeur de la Police Judicaire, quand ceux-ci ont exhibé le prévenu au cours d’une conférence de presse le 17 mars 2013 et ont désigné sans aucun fondement M. Casique comme étant l’auteur intellectuel du massacre de sept personnes au bar “La Sirenita”, et comme chef des “Zetas”. D’autre part, bien qu’ayant bénéficié d’une décision de justice de mise en liberté et malgré la confirmation de l’arrêt de protection judiciaire (« amparo ») prononcé le 15 novembre 2013 visant à invalider l’ordre d’appréhension émise à son égard le 18 mars 2013, ce même jour un groupe de la police judiciaire l’a arrêté de nouveau en raison de prétendues nouvelles accusations, résultant en une nouvelle détention illégale, car (1) exécutée sans aucun ordre d’appréhension, et (2) suivie d’une autre conférence de presse du Procureur, de nouveau en violation avec le droit à la présomption d’innocence du prévenu.

“Droits de toute personne imputée : à ce que son innocence soit présumée jusqu’à ce que sa responsabilité soit établie par le biais d’une sentence prononcée par le juge de la cause” (art. 20 de la Constitution Politique des États-Unis du Mexique, titre premier, chapitre I, alinéa B).

Outre le caractère illégal de la détention même, l’acte de présentation du prévenu devant les médias n’apporte aucun élément probatoire, et ne correspond qu’à l’intention de produire dans l’esprit du juge un préjugé contraire au prévenu, infligeant par le fait même un dommage irréparable à son honneur et à son image, ce qui constitue ici une violation de l’article 16 de la Constitution mexicaine.

“Nul ne peut être amoindri en tant que personne, ni faire l’objet de préjudice quant à sa famille, son domicile, ses documents ou ses biens, hormis moyennant mandat écrit de l’autorité compétente, laquelle pourvoie assise et motivation à la cause légale de la procédure (…) Quiconque a le droit à la protection de ses données personnelles, à l’accès, la rectification et l’annulation de celles-ci, ainsi qu’ à exprimer son opposition aux termes de la loi, qui établira les cas d’exception aux principes qui régissent le traitement des données, pour des raisons de sécurité nationale, de dispositions d’ordre public, de sécurité et santé publique, ou pour protéger les droits d’un tiers.”

Il convient de mentionner que la Convention Américaine de Droits de l’Homme, ratifiée par le Mexique, établit dans son article 11 la disposition suivante :

1.- Toute personne a le droit d’être respectée dans son honneur et à la reconnaissance de sa dignité. 2.- Nul ne peut être soumis à des ingérences arbitraires ou à des abus dans sa vie privée, dans celle de sa famille, dans son domicile ou dans son courrier, ni à des attaques illégales à son honneur ou à sa réputation.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait que, des prétendus témoins dont les déclarations ont servi de base aux autorités judiciaires pour justifier les deux détentions dont Hector Casique a fait l’objet, aucun d’entre eux n’a affirmé, au moment de la confrontation judiciaire avec le prévenu, l’avoir reconnu en tant qu’auteur de l’assassinat ou même responsable du délit attribué. De même, rappelons-nous que le Procureur avait prétendu disposer de plus de 20 témoins de charges contre M. Hector Casique, prétexte utilisé pour procéder à la deuxième détention du 18 mars 2014. Dans le cadre de la seconde instruction contre le prévenu, les audiences ont eu lieu les 6, 8, 9, 13, 14, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24 27 et 28 Avril 2015, séances au cours desquelles les déclarations devant juge des témoins étaient censées se réaliser. Toutefois, des vingt supposés témoins, seulement cinq ont effectivement comparu, et aucun d’entre eux n’a reconnu M. Casique en tant que responsable des homicides pour lesquels on l’accuse. L’absence de quinze des témoins lors de ces audiences permet de supposer que ces individus n’existent tout simplement pas et jette un doute sur la probité de M. le Procureur et l’authenticité de ces témoins.

À ce sujet il faut souligner la disposition établie par l’alinéa A du paragraphe 1 de l’article 19 de la Constitution Politique des États-Unis du Mexique :

“La procédure pénale a pour objet l’éclaircissement des faits et la protection de l’innocent”.

En aucune façon un procès ne doit être l’instrument des intérêts de quelques fonctionnaires – dûment dénoncés dans l’affaire qui nous préoccupe auprès du Procureur Général de la République en Décembre 2014 – dont on peut présumer qu’ils recherchaient l’atteinte d’un quelconque bénéfice, par le moyen du lynchage mené sur une personne innocente, contre laquelle il n’existe à notre sens aucune preuve valide ni suffisante pour en établir la culpabilité. En revanche, nous constatons dans les agissements des autorités de Quintana Roo l’indéniable violation aux droits humains du prévenu ainsi que des manquements graves et évidents aux règles de procédures.

Pour ces raisons, l’Association Canadienne pour le Droit et la Vérité, respectant l’autonomie de cette honorable Cour, émet la recommandation suivante:

  • Que soit décrétée la mise en liberté immédiate de Hector Manuel Casique Fernández;
  • Que les droits politiques et civils du prévenu qui ont suspendus pendant le procès soient rétablis sans délai.
  • Que M. Hector Manuel Casique Fernández obtienne l’assistance nécessaire quant aux instances auprès desquelles il doit s’adresser en vue d’obtenir réparation pour les dommages physiques, moraux et psychologiques subis par lui et sa mère.
  • Que les mesures adéquates soient mises en œuvre pour assurer la sécurité de M. Hector Manuel Casique Fernández et de sa famille, à l’occasion de son départ du Centre Pénitencier.

Par ailleurs, notre Association donnera son support à la dénonciation présentée contre les fonctionnaires publics responsables de la détention, de la torture, de la fabrication d’accusations et de la probable induction des témoins visant à générer un procès judiciaire vicié.

Pour conclure, nous souhaitons rappeler qu’il ne sera pas possible de régler le problème de l’insécurité au Mexique tant que les autorités continueront à avoir recours à la fabrication de coupables et à la violation des droits fondamentaux. Nous manifestons notre confiance en la décision de justice qui sera rendue par cette honorable Cour, dans le respect des exigences de la loi et de la Constitution des États-Unis du Mexique, et des traités internationaux qui protègent les droits des citoyens, parmi lesquels figurent jusqu’à preuve du contraire les prévenus.